L'amidon dans l'alimentation du cheval

L'amidon dans l'alimentation du cheval

L’amidon est la molécule de réserve énergétique chez les végétaux supérieurs, stockée dans les organes de réserves (graines, racines, tubercules, rhizomes et certains fruits) qui leur permet de survivre durant la mauvaise saison.
Il s’agit d’une des ressources caloriques principales pour l’espèce humaine (céréales, etc).

C’est également la première source énergétique du cheval à l’effort.


SOMMAIRE

I. Qu'est-ce que l'amidon?

II. Quel est le rôle de l'amidon dans l'alimentation du cheval?

III. Quels sont les facteurs influençant la digestibilité de l'amidon?

IV. Quel rôle joue l'amidon sur l'index glycémique?

V. Quelle quantité d'amidon distribuer par repas? 

VI. Résumé

I. Qu'est-ce que l'amidon? 

Glucide complexe composé de plusieurs molécules de glucose. C’est le composant principal des céréales.

% MATIÈRE BRUTE AMIDON SUCRES SIMPLES
Aliments REVERDY 1 - 37,5 2,0 - 6,5
Avoine 36,2 1,1
Orge 52,2 2,1
Maïs 64,1 1,6

Tableau : teneurs en amidon et en sucres simples des céréales adaptées au cheval. Les teneurs de la gamme REVERDY sont données à titre comparatif (d'après INRA,2ème édition,2004).

II. Quel est le rôle de l'amidon dans l'alimentation du cheval?

L’amidon est une source énergétique polyvalente pour le cheval athlète. Il est scindé en unités de glucose dans l’intestin grêle qui vont ensuite passer dans le sang.
Elles peuvent être utilisées de différentes manières :

    • Oxydées afin de produire directement de l’énergie.
    • Stockées sous forme de glycogène musculaire et hépatique ou de lipides.

L’amidon est la source énergétique de choix pour la synthèse de glycogène dans la mesure où sa digestion entraîne une augmentation de la glycémie* et de l’insulinémie*, deux des paramètres les plus importants impliqués dans la synthèse de glycogène.
(Pagan et al.1998)

* Glycémie = Concentration de glucose dans le sang
* Insulinémie = Concentration d’insuline dans le sang

Le glycogène musculaire est un carburant important :

    • Production d’énergie pendant l’effort, ce qui favorise la performance.
    • Stockage dans le foie : il sera ensuite utilisé pour produire du glucose qui sera libéré dans le sang durant le travail, ce qui est fondamental car le glucose est le seul carburant disponible pour le système nerveux central.

Cette régulation prévient donc l’apparition d’une hypoglycémie durant l’effort qui serait une cause potentielle de fatigue subite.

III. Quels sont les facteurs influençant la digestibilité de l'amidon?

Les différentes sources d'amidon

Bien que tous les amidons soient constitués de chaines de glucose, la façon dont la molécule d’amidon est construite est très différente d’une céréale à l’autre (rapport amylose*/amylopectine*, nature de l’endosperme*, etc.). Cette différence dans l’architecture des différents types d’amidon a un impact important sur la manière dont ce dernier sera digéré dans l’intestin grêle des chevaux.

* Amylopectine : Chaîne ramifiée de molécules de glucose. Elle représente en général 70 à 85 % de l’amidon. C’est la forme d’amidon la plus digeste qui est responsable de la gélatinisation de l’amidon.
* Amylose : Chaîne linéaire de molécules de glucose prenant la forme d’une hélice. Elle représente en général 15 à 30 % de l’amidon sachant que plus il y a d’amylose, moins l’amidon est digeste.
* Endosperme : Tissu végétal de réserves nutritives contenant des glucides (amidon) et des protéines. Avec l’embryon (germe), il constitue l’amande des graines.

Parmi les céréales les plus couramment utilisées, l’avoine contient la forme d’amidon la plus digeste, suivie de près par le blé, puis viennent l’orge et le maïs.

Concernant ce dernier, la digestibilité de son amidon dépend de la variété de maïs utilisée (cf. schéma ci-dessous). Aussi, les variétés tardives (dentées), majoritaires désormais en alimentation animale et utilisées dans nos aliments, possèdent un amidon plus digeste que celui des variétés précoces (cornées). De plus, les variétés dont l’amidon est pauvre en amylose sont les plus digestes.

✅ Ainsi, l’amidon de maïs de la variété Waxy, dont la teneur en amylose est proche de 0 %, présente une digestibilité supérieure à celle d’un amidon de maïs denté contenant 25 % d’amylose en moyenne. Associé à un floconnage, un maïs Waxy permet d’apporter un amidon très digeste.

Digestibilité antécaecale de l'amidon en fonction de sa nature botanique


Influence des traitements technologiques des céréales sur l'amidon

On en distingue plusieurs types :

    • Mécaniques : broyage, aplatissage, concassage.
    • Thermiques dans des conditions de chaleur sèche : toastage, expansion, extrusion.
    • Thermo-mécaniques dans des conditions de chaleur humide : floconnage et granulation (dans une moindre mesure).

Leur objectif est d’augmenter la digestibilité de l’amidon des céréales traitées. Ils sont surtout intéressants pour les céréales possédant les amidons les moins digestes (maïs et orge). En effet, les amidons d’avoine et de blé étant déjà très digestes, les traitements technologiques ont peu d’effet sur leur digestibilité antécaecale*.

*Antécaecale : Portions des voies digestives situées avant le caecum (gros intestin) = estomac et intestin grêle.

Le floconnage, très utilisé dans l’alimentation du cheval, correspond à un aplatissage et une cuisson à la vapeur des céréales entraînant une hydratation et une prédigestion partielle de l’amidon (= gélatinisation). Dans le cas de l’amidon de maïs, le floconnage augmente significativement sa digestibilité et donc son index glycémique (cf. schéma ci-contre), paramètre sur lequel nous allons maintenant nous attarder.

Index glycémique du maïs en fonction du traitement technologique

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IV. Quel rôle joue l'amidon sur l'index glycémique?

Définition de l'index glycémique (IG) 

C’est un système utilisé pour classer les aliments en fonction de leur effet sur la glycémie.
Créé par des scientifiques canadiens au début des années 1980, il compare la quantité exacte de glucides disponibles dans chaque aliment, fournissant un index numérique basé sur la glycémie après le repas. D’abord développé pour les humains, il a ensuite été modifié et reconnu comme fiable pour les chevaux.

D’un point de vue pratique, il caractérise le niveau de digestibilité enzymatique d’une source de glucides dans l’intestin grêle:

    • Les sources alimentaires qui contiennent le plus de glucides solubles, et qui se scindent rapidement durant la digestion, ont les index glycémiques les plus élevés.
    • Les sources alimentaires qui contiennent le moins de glucides solubles, et qui libèrent progressivement du glucose dans la circulation sanguine (digestion lente), ont les index glycémiques les plus faibles.

Évolution de la glycémie après les repas en fonction de l'index glycémique des aliments

Réponse glycémique et santé du cheval

Le tube digestif du cheval est adapté à la prise de plusieurs petits repas dans la journée, tel le pâturage au pré. Ce mode d’alimentation entraîne des réponses glycémiques faibles, d’autant plus que les aliments ingérés ont un petit index glycémique (fourrages, etc.).

Par ailleurs, une réponse glycémique plus faible est supposée entraîner une demande en insuline plus faible, d’où une meilleure régulation de la glycémie à long terme. Ainsi, les risques d’avoir des perturbations de la glycémie et de l’insulinémie sont amoindris.

États pathologiques liés et / ou aggravés par des rations à index glycémique élevé.

L'augmentation de la glycémie après un repas entraîne la sécrétion d’insuline dans le sang, hormone permettant de faire entrer le glucose dans les cellules afin qu’il soit utilisé ou stocké sous forme de glycogène dans les muscles et le foie. De façon simpliste, on pourrait penser que plus l’amidon est digeste, meilleur il est pour le cheval. Cependant, l’adjectif « digeste » est synonyme de « fermentescible » dans le cas de l’amidon. En effet, un amidon bien digéré dans l’intestin grêle est susceptible d'être plus facilement fermenté par les microorganismes (flore lactique) de l’estomac. Ensuite, qui dit « digeste » dit index glycémique élevé.

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.

Ainsi, une ration présentant un IG élevé est susceptible d'entraîner des perturbations métaboliques et digestives avec des conséquences plus ou moins graves à court comme à long terme. Les plus fréquentes sont résumées ci-dessous :

SURCHARGE GRAISSEUSE
Plus le pic de glycémie est grand, plus la quantité d’insuline produite est grande, et donc plus la quantité de glucose entrant dans les cellules est importante. Dans ce cas, une partie du glucose ne peut être stockée sous forme de glycogène. Elle est donc transformée en acides gras, qui sont ensuite stockés dans les cellules adipeuses constitutives du tissu graisseux, réparti à divers endroits dans l’organisme (sous la peau, dans la cavité abdominale, etc.).
Ainsi, plus un glucide présente un index glycémique élevé, plus il est susceptible de favoriser la surcharge graisseuse non souhaitable dans la majorité des cas.

TROUBLES DU COMPORTEMENT, NERVOSITÉ
La production d’insuline entraîne une augmentation de la teneur sanguine d’un neurotransmetteur agissant sur le comportement : la sérotonine. Ainsi, plus un glucide présente un index glycémique élevé, plus la quantité d’insuline produite, et donc de sérotonine, sera importante.
Or, il a été démontré qu’une hypersérotoninergie* se manifestait par une hyperactivité mentale et physique, une désorganisation du comportement et un changement d’humeur.

* Hypersérotoninergie : Excès de sérotonine au niveau cérébral

Par ailleurs, les propriétés excitantes de l’avoine ne sont pas seulement dues à l’avénine, elles s’expliquent également par la grande digestibilité de son amidon (également valable pour le blé et les flocons de céréales).

MYOPATHIES CHRONIQUES (= « COUPS DE SANG » )
Il en existe deux types :
1. La myopathie récurrente à l’exercice (« RER » en anglais), dont le mécanisme n’est pas parfaitement connu.
Néanmoins, elle serait due à une anomalie dans la régulation du calcium intra-cellulaire, responsable de la contraction musculaire (alors que le magnésium aide au relâchement musculaire). Ces cellules musculaires présentent un dysfonctionnement dans la réalisation des cycles de contraction-relâchement. Aussi, lors d’exercices (surtout quand ils sont longs et lents), il arrive qu’il se produise des contractions musculaires excessives, entraînant la destruction des cellules musculaires touchées. Ce phénomène se produisant surtout chez des chevaux nerveux (2 / 3 sont des femelles), il est logique que les glucides à index glycémique élevé soient un facteur prédisposant.
2. La myopathie à stockage de polysaccharides (« PSSM » en anglais), rencontrée moins fréquemment (surtout présente chez les Quarter Horses peu nombreux en France). Elle se caractérise par une accumulation excessive de glycogène et d’un polysaccharide anormal dans les cellules musculaires. Elle touche des chevaux calmes et en bon état. Par conséquent, il est important de limiter l’entrée de glucose dans les cellules musculaires. L’utilisation de glucides très digestes est donc déconseillée.

À PROPOS DU BLÉ...
L’incorporation de blé dans l’alimentation du cheval n’est pas souhaitable pour plusieurs raisons.
D’abord, comme l’explique R.WOLTER (1999), « le blé risque, plus que les autres céréales, de former des pâtons (= boules de pâte) dans le tube digestif en raison de sa richesse en gluten », c’est à dire d’obstruer les voies digestives du cheval (bouchon oesophagien, etc.). De plus, le grain de blé contient une quantité importante d’amidon (Blé tendre : Amidon = 60,5 % du Brut - INRA, 2004) très fermentescible, sous entendu très dégradable, donc également très digestible par les enzymes du cheval.
Par conséquent, son incorporation dans l’alimentation des équidés est susceptible de modifier la digestion et le métabolisme des glucides en plusieurs points :
- D’une part, il peut en résulter une augmentation des fermentations gastriques (microbiennes). Ces dernières sont à l’origine d’une libération abusive de gaz responsable de la distension douloureuse de l’estomac. Simultanément, la flore va produire une quantité importante d’acide lactique, responsable de l’apparition ou de l’aggravation d’ulcères de la muqueuse gastrique.
- D’autre part, la grande digestibilité de l’amidon de blé entraine une production importante d’insuline qui peut être à l’origine de perturbations néfastes pour le cheval : troubles du comportement (nervosité), des métabolismes musculaire (« coups de sang ») et ostéo-articulaire (perturbations de la croissance), etc.

Pour toutes ces raisons, nous avons choisi de ne pas utiliser cette céréale.

ULCÈRES GASTRIQUES
Plus un glucide est digeste (index glycémique élevé), plus il est susceptible d’être fermenté en acides organiques (dont l’acide lactique) par les micro-organismes présents dans l’estomac (cf. figure ci-dessous). Or, l’acide lactique étant agressif pour la muqueuse gastrique, sa production favorise l’apparition d’ulcères.

Évolution de la concentration sanguine en acide lactique après les repas en fonction du procédé de traitement technologique du maïs

OSTÉOCHONDROSE (OCD)
Il a été démontré que les juments produisant des poulains avec de l’OCD sont statistiquement celles qui ont présenté, en fin de gestation, des décharges d’insuline élevées après les repas. En fait, il semblerait que l’hyperinsulinémie perturbe le bon développement des cellules cartilagineuses avec comme conséquences :

      • Un défaut de vascularisation du cartilage de croissance au niveau de la jonction cartilage-os,
      • Le non remplacement de la matrice cartilagineuse par la matrice osseuse.

Ainsi, la zone de jonction entre le cartilage et l’os deviendrait irrégulière et le cartilage persistant mou et fragile.
Par conséquent, la distribution de glucides à index glycémique élevé aux poulinières en fin de gestation ou aux foals semble être un facteur prédisposant (cf. courbe ci-dessous).

Relation entre l'index glycémique des aliments et l'ostéochondrose

... ET DES FLOCONS DE CÉRÉALES POUR LES CHEVAUX D'ÉLEVAGE ? 
Le floconnage est un procédé de traitement thermo-mécanique sous atmosphère humide, qui augmente significativement la digestibilité et donc, l’index glycémique des céréales. Par conséquent, même si « c’est la dose qui fait le poison » :

Nous déconseillons les flocons à l’élevage, tout particulièrement chez la poulinière en fin de gestation et le poulain sous la mère.

❌ Nous contre-indiquons également leur utilisation chez les chevaux souffrant des états pathologiques détaillés précédemment : surcharge graisseuse, troubles du comportement, myopathies chroniques, ulcères gastriques, syndrome de Cushing, syndrome métabolique équin et fourbure.

Les flocons de céréales ont des intérêts d’utilisation bien spécifiques. En effet, il est conseillé de les utiliser, avec modération, si l’on souhaite :
✅ Faciliter la digestion de l’amidon, en raison : d’une sécrétion enzymatique insuffisante chez les séniors, ou de rations de céréales importantes chez le cheval travaillant de manière intensive.
✅ Améliorer l’état corporel = Préparation aux ventes.

ÉTATS PATHOLOGIQUES EN PRÉSENCE D’INSULINO-RÉSISTANCE
Les chevaux souffrant de syndrome métabolique équin, ou de syndrome de Cushing, présentent une hyperinsulinémie associée à une hyperglycémie prolongée après le repas. Or, L’insuline est capable de stimuler à la fois la vasodilatation et la vasoconstriction des vaisseaux. Ainsi, l'hyperinsulinémie entraînerait des perturbations de la circulation sanguine notamment au niveau du pied, favorisant ainsi la fourbure. Il est donc logique d’éviter de distribuer des glucides à index glycémique élevé, qui aggraveraient l’hyperinsulinémie, et donc l’état de santé des chevaux présentant une insulino-résistance.

V. Quelle quantité d'amidon distribuer par repas? 

L'ingestion d'amidon étant susceptible de perturber la santé des chevaux, il est important de raisonner la quantité distribuée au cours d'un repas. Les recommandations maximales formulées en fonction des différentes problématiques de santé sont présentées ci-dessous :

VI. En résumé

La teneur en amidon d’un aliment par kg brut ne veut rien dire : il est impératif de prendre en compte la quantité distribuée par repas ainsi que la digestibilité de l’amidon utilisé.

Ensuite, il est préférable de distribuer des rations essentiellement constituées de fourrages, car leur faible index glycémique risque moins de perturber la régulation de la glycémie et donc, la santé du cheval.

Néanmoins, chez le cheval athlète, les besoins énergétiques étant jusqu’à deux fois supérieurs à ceux du cheval au repos et, sachant que la synthèse de glycogène est favorisée par l’apparition de réponses glycémique et insulinique suffisantes, le recours aux céréales ayant un index glycémique supérieur semble incontournable.

Pour ce faire, la distribution d'une alimentation concentrée associant, dans le respect des recommandations quantitatives, des formes d'amidon "lent" (orge, maïs) avec une part plus ou moins importante d’amidon digeste (avoine, flocons de maïs, etc.) semble être le meilleur compromis chez le cheval en bonne santé dont les besoins énergétiques ne peuvent être totalement couverts par l’apport de fourrages.

L'adjectif digeste est synonyme de fermentescible dans le cas de l'amidon